Cinéastes face caméra (2)

Caméos, participations, seconds ou premiers rôles, nombre de cinéastes passent de l’autre côté de la caméra, filmés par d’autres ou par eux-mêmes, pour des motifs divers. Petit recensement thématique (non exhaustif).

CAMÉOS EN INVITÉS
Parce que l’on veut leur rendre hommage, parce que ce sont des amis ou parce que leur présence est significative, voici des cinéastes sur d’autres plateaux que les leurs.

JACQUES DEMY
Il est, à l’époque, l’auteur de trois courts métrages, mais n’a pas encore réalisé son premier long, Lola (1960). François Truffaut le fait apparaître en gendarme dans la scène du commissariat des Quatre cents coups (1959).

Dans Paris nous appartient, de Jacques Rivette (1961), où l’on apercevra également Claude Chabrol et Jean-Luc Godard, il donne brièvement la réplique à Malka Ribowska.

SAMUEL FULLER
«J’ai toujours voulu savoir ce que c’était exactement que le cinéma» lui demande Belmondo dans Pierrot le fou (1965).
https://www.youtube.com/watch?v=uwfLLwLIFLA&feature=youtu.be
Samuel Fuller, de nouveau, dans son propre rôle, en 1966, dans Brigitte et Brigitte, de Luc Moullet (film traversé également par Claude Chabrol, Eric Rohmer et André Téchiné), jouera les militaires dans 1941, de Spielberg et apparaîtra, à de nombreuses reprises, dans des films de Wim Wenders, L’Ami américain (1977), Hammett (1982),  The end of violence (1999). Dans L’État des choses (1982), où il tient un rôle plus important, il est entouré d’autres cinéastes : Roger Corman et Robert Kramer.

JEAN-PIERRE MELVILLE

Parvulesco, dans À bout de souflle (1960), il est Georges Mandel dans Landru, de Claude Chabrol (1963) − au côté de Raymond Queneau, en Clémenceau.

JEAN-LUC GODARD

À la terrasse d’un café dans Paris nous appartient (1961), il écoute, avec obstination, de la musique, dans Le Signe du lion, le premier long métrage d’Eric Rohmer, en 1962.

Pour Agnès Varda, il est l’un des Fiancés du pont Mac Donald (1961), court métrage dont la réalisatrice insère une séquence dans Cléo de 5 à 7 (1962) et passe un extrait dans Visages, villages (2017), notant que JLG avait accepté de s’y montrer, brièvement, sans les lunettes aux verres fumés qui, à l’époque, ne quittaient jamais son nez.

Barbet Schroeder
Interprète du premier des «Contes moraux», d’Eric Rohmer, le court métrage, La Boulangère de Monceau (1962), fréquent passager des films de Jacques Rivette (Out 1, Céline et Julie vont en bateau, L’Amour par terre, Ne touchez pas la hache), il apparaît dans La Reine Margot, de Patrice Chéreau (1994), est président de la France dans Mars Attacks (Tim Burton, 1996) et mécanicien dans un garage dans À bord du Darjeeling limited, de Wes Anderson (2007).

Raoul Ruiz
Parce qu’il avait particulièrement aimé Dialogues d’exilés, l’un des quelque 120 films du cinéaste chilien, Nanni Moretti lui propose une participation dans Palombella rossa (1989). «Quand il est arrivé sur le plateau, raconte Moretti, je n’avais toujours pas écrit son rôle. Je le lui ai dit, et il est retourné à son hôtel. Quand il réapparut, il me dit: «J’ai écrit le rôle. Et la moitié de mon prochain film». D’où une dissertation toute «ruizienne»sur quatre sortes de silence.

Terry Gilliam
Ami d’Albert Dupontel, l’auteur de Brazil, seul américain des Monty Python, est un drôle de SDF dans Enfermés dehors (2006)

et un dangereux psychopathe dans 9 mois ferme (2013).

Jean Eustache
L’auteur de La Maman et la putain a été appelé par Wim Wenders pour panser la blessure de Bruno Ganz dans L’Ami américain (1977).

Il a également fait un petit tour sur le plateau de La Tortue sur le dos (1978), le premier long métrage de Luc Béraud, son ancien assistant.

Steven Spielberg
Joe Dante (Gremlins), Robert Zemeckis (Retour vers le futur),Cameron Crowe (Vanilla sky), Jay Roach (Austin Powers dans Goldmember), Michael Bay (Transformers 2), lui ont offert des apparitions clins d’œil. Mais la plus mémorable reste celle qu’il fait, en collecteur d’impôts, à la fin des Blues brothers, de John Landis (1980).

Gus Van Sant
Des caméos dans certains de ses films (My own private Idaho, Psycho, À la rencontre de Forrester, Paranoid Park). Mais une scène dans The Canyons (2013), de Paul Schrader (sur un scénario de Bret Easton Ellis), où il est psychanalyste.

John Waters
L’auteur de Pink Flamingos s’est amusé à de petits passages devant sa caméra et, parfois, celle des autres. Celle de Woody Allen (Accords et désaccords, 1999) ou d’Adam Shankman pour la version musicale de Hairspray (2007).

Et Ryan Murphy, dans sa série Feud -Bette and Joan (2017), lui a donné l’occasion de figurer, à l’écran, l’un de ses cinéastes préférés, William Castle.

Aki Kaurismaki
Road movie en chaise roulante et premier long métrage du duo Kervern-Delépine, en 2004, Aaltra emmène ses protagonistes jusqu’en Finlande et, forcément, jusqu’au grand cinéaste finlandais.

Cecil B. DeMille
https://www.youtube.com/watch?v=SA9lFsiut2Q
«All right, Mr. DeMille, I’m ready for my close-up!». Avant la dernière réplique de Sunset boulevard, Norma Desmond/ Gloria Swanson a rendu visite au cinéaste, interprétant, dans les studios, son propre rôle.

Leos Carax

Dans Mister Lonely, d’Harmony Korine (2007), il est impresario et se nomme Renard. Denis Lavant, l’acteur de presque tous ses films (Boy meets girl, Mauvais Sang, Les Amants du Pont-Neuf, Holy Motors), tient l’un des rôles principaux de cette histoire de sosies, en sosie de Charlie Chaplin. Un autre cinéaste, Werner Herzog, fait partie de la distribution.

Cinéastes face caméra (3) Acteurs dans leurs films et/ou ceux des autres

Cinéastes face caméra (4) – Acteurs éclipsés par leur notoriété de cinéastes


 

 

 

 

Cinéastes face caméra (1)

Caméos, participations, seconds ou premiers rôles, nombre de cinéastes passent de l’autre côté de la caméra, filmés par d’autres ou par eux-mêmes, pour des motifs divers. Petit recensement thématique (non exhaustif).

LES CAMEOS «SELFIES»

Alfred Hitchcock
Il s’offre une apparition, en 1927, dans The Lodger (Les Cheveux d’or), et y prend goût. Ainsi l’aura-t-on vu dans 39 de ses longs métrages. Morgan T. Rhys, utilisateur de YouTube, en a fait un montage.

Merian C.Cooper et  Ernest B. Shoedsack
Les deux réalisateurs de King Kong (1933) abattent leur créature, réfugiée au sommet de l’Empire State building.  Copper pilote l’avion et c’est Schoedsack qui tue Kong.

Martin Scorsese
Passager du taxi de Travis Bickle (Robert DeNiro), maître de maison dans Gangs of New York ou donnant de la voix dans A tombeau ouvert, il signe de sa présence la plupart de ses films. En atteste ce montage made in la Cinémathèque française.

Luis Buñuel
Il s’est mis en scène dans le prologue du Chien andalou (1929) et apparaît dans L’Âge d’or (1930), Belle de jour (1967) et Le Fantôme de la liberté (1974).

Luis Bunuel, assis à la terrasse de la Grande cascade dans Belle de jou

Pedro Almodovar
Il chante dans Le Labyrinthe des passions (1982) et s’est amusé à apparaître dans Dans les ténèbres (1983), La Loi du désir (1987), La Mauvaise éducation (2004) et s’est glissé parmi les femmes qui astiquent les tombes dans la scène d’ouverture de Volver (2006).

Francis Ford Coppola
Il s’est fait réalisateur survolté dans Apocalypse now, son unique apparition au cinéma.

Jean-Luc Godard
Il achète France-Soir dans A bout de souffle, apparaît dans Le Petit soldat  et habite nombre de ses films de son phrasé singulier. Dans Le Mépris, il se fait, hommage discret, assistant de Frtiz Lang.

Terrence Malick
Il est connu pour préserver farouchement son image, interdisant toute photo de lui. Il est pourtant apparu dans deux de ses films : Badlands (La Balade sauvage, 1973) et Days of heaven (Les Moissons du ciel,1978).

Stanley Kubrick
Il faut avoir les yeux grands ouverts pour l’apercevoir, mais il est bien là. Dans Orange mécanique, fugitivement et de dos (à la 27e seconde de la vidéo).

Et dans Eyes Wide Shut.

David Cronenberg
Il passe dans Frissons (1975) et dans Vidéodrome (1983) et se fait médecin dans La Mouche (1986) et dans Faux semblants (1988).

David Cronenberg dans La Mouche

Un Top 10 des caméos de cinéastes dans leurs films a été réalisé sur la chaîne américaine YouTube, WatchMojo.


Cinéastes face caméra (2) – Caméos en invités
Cinéastes face caméra (3) – Acteurs pour eux-mêmes et pour les autres
Cinéastes face caméra (4) – Acteurs éclipsés par leur notoriété de cinéastes

 

Le Redoutable

SAUVE QUI PEUT (GODARD)?

«Jean-Luc Godard est un sujet biographique redoutable», écrit Antoine de Baecque en introduction à la biographie qu’il consacra au cinéaste, en 2010. Un constat sans doute partagé par Michel Hazanavicius qui, contant Godard en mai 1968, titre son film Le Redoutable. Mais l’auteur malicieux des OSS 117 et de The Artist, joue avec les allusions. Il s’inspire des deux livres (Une année studieuse et Un an après) d’Anne Wiazemsky sur ses années Godard, qui raconte :  Le 29 mars, à Cherbourg, le gouvernement français avait inauguré un nouveau sous-marin baptisé Le Redoutable. Le journal Le Monde lui avait consacré une pleine page et l’article concluait : « Ainsi va la vie à bord du “Redoutable”. » Cette phrase avait beaucoup diverti Jean-Luc qui la réutilisait à tout propos. Redoutable encore était, pour un réalisateur de comédies dites «populaires», d’oser s’aventurer sur les terres d’un cinéma dit «d’auteur», en s’emparant de sa figure la plus emblématique. S’attaquer à la statue du commandeur Godard, c’est risquer l’accusation de blasphème et le procès en illégitimité. Ce qui n’a pas manqué, au festival de Cannes où le film a été présenté.

Pourtant, si Le Redoutable n’est pas au sens strict un exercice d’admiration, il s’en approche. Beaucoup. Couleurs, cadrages, mouvements de caméra, chaque plan ou presque est un clin d’œil au cinéma du maître et, quand il ne l’est pas, il reste godardien en diable. Michel Hazanavicius, fin cinéphile et raffiné pasticheur, s’amuse avec les références sans jamais surligner. C’est l’un des plaisirs de cette comédie ludique et virevoltante, qui parle aussi d’amour, plonge dans les exaltations de mai 68 et dresse le portrait du cinéaste Godard qui questionne son art jusqu’à désavouer son propre cinéma. Le portrait, aussi, de l’homme Jean-Luc, avec ses certitudes et ses doutes, ses emportements, son égoïsme ordinaire, son intelligence aiguë et son humour désarmant. Agaçant, peut-être, mais émouvant aussi, il est, à l’écran, un éblouissant Louis Garrel, qui l’incarne avec un mimétisme subtilement distancié.

Œuvre chaleureuse, Le Redoutable redonne vie à une petite communauté attachante au casting juste et impeccable. Anne Wiazemsky, bien sûr, dont l’interprète, Stacy Martin, évoque davantage, frange et visage, Chantal Goya (actrice dans Masculin-féminin), mais aussi Michel Cournot (Grégory Gadebois), Michèle Rosier (Bérénice Béjo), Jean-Pierre Bamberger (Michal Lescot), Jean-Henri Roger (Arthur Orcier), Jean-Pierre Gorin (Félix Kysyl).
Et puis, hommage et malice mêlés, Jean-Pierre Mocky (qui apparaît dans Prénom, Carmen et Grandeur et décadence d’un petit commerce de cinéma) et Romain Goupil (qui l’assista) offrent de savoureuses apparitions.
Et le film, joyeuse comédie aux tonalités mélancoliques, se termine sur une voix off. On reconnaît, avec émotion, celle de Michel Subor, naguère Petit soldat.

 

de Michel Hazanavicius
avec Louis Garrel, Stacy Martin, Bérénice Béjo, Micha Lescot, Grégory Gadebois, Félix Kysyl, Arthur Orcier
durée : 1h42
sortie le 13 septembre 2017

A voir sur l’excellent Blow Up, d’ARTE :
Jean-Luc Godard en 9 mintes : http://cinema.arte.tv/fr/article/jean-luc-godard-en-9-minutes

et les réponses de Michel Hazanavicius au «Questionnaire cinéphile» du magazine
http://cinema.arte.tv/fr/article/michel-hazanavicius